Toute figure est, selon Fontanier, figure du visage, qui est lui-même la figure d’un esprit incarné. Figure originelle, le visage de l’homme est la source de toutes figures, littéraires, musicales, artistiques ou mathématiques. Les grecs ont les premiers souligné le privilège du prosopon. Doué des organes de la vue, de l’ouïe et de la parole, le prosopon ouvre le corps de l’homme au monde et aux autres. Siège de la pensée, le prosopon distingue la figure de l’homme responsable de ses actes, “fin en soi” digne de respect, de la gueule de l’animal irrépréhensible et comestible. Le prosopon est la figure du seul être qui, dans la nature, se figure indéfiniment, en configurant indéfiniment le monde. Toute figure de style, I, II, III, IV, V, etc… n’est donc jamais qu’une prosopopée du prosopon, une métaphore figurale d’une “métaphore corporelle”[1].
Sans doute en raison de cet apanage, le visage est devenu en Occident l’objet d’une légende qui s’est faite particulièrement insistante, au point d’opposer, depuis Platon et Moïse, ses émules iconophiles et ses détracteurs iconoclastes, qu’il vaudrait mieux nommer, dans un souci d’exactitude, figurophiles et figuroclastes, en des luttes qui ensanglantent toujours atrocement le monde: celle de l’origine de la peinture, comprise comme peinture du visage et dénommée : figure.